Témoignage : une journée avec le groupe du bocage virois

« J’aime pas être tout seul » (Vincent, agriculteur à St Jean Le Blanc)

Mardi 8 décembre, dix heures, nous arrivons chez Jean-Michel à St Quentin les chardonnets. J’avais proposé à Benoit de l’accompagner sur une journée de formation avec le groupe du Bocage Virois. Jean-Michel est un homme discret, très ouvert et qui sait écouter. Ce jour là, nous étions 15 autour de la table. Nous avons assisté à une magnifique journée de partage de points de vue, de construction de la pensée, d’échanges d’idées avec respect et non jugement. Pas seulement l’agriculteur mais l’homme dans son entier fut considéré dans la globalité de sa vie professionnelle et économique, de son environnement, sa vie familiale, de son lien social et de son avenir : « On n’est pas les seuls à vivre sur la terre et nous ne sommes pas les derniers, alors comment on aménage tout ça ? » dixit Jean Michel.

La diversité des personnes présentes, groupe bocage viroistant par leur production, leur âge, leur parcours donne à voir combien on s’enrichit de nos différences. Jean-Michel a du mal à abandonner la performance « c’est génétique » dit il en riant. Il a vendu sa ferme dans le sud Mayenne trop engagée dans le productivisme (vaches à 12 000L, robot de traite, …) pour faire machine arrière. « On n’vivait plus. Tu vois bien que tu es rentré dans le piège (investissements, surinvestissements, courts termes, toute la panoplie !). Alors avec ma femme on s’est dit : on a compris, faut changer ça ! ».

C’est comme ça qu’il est arrivé sur sa ferme il y a un an et demi à St Quentin. « Quand on regarde ce qui se passe dans le monde, ça ne peut plus durer ! J’ai un gamin de 20 mois, qu’es ce que je vais lui laisser ? » « Je cherche mon équilibre, pas forcément passer en bio. Pas aller trop vite » dit Jean Michel. « accepter de diminuer sa production jusqu’où, pour que ce ne soit pas anxiogène ? » lui répond François.

Beaucoup d’humilité, de loyauté, une humanité chaleureuse, une leçon d’éducation populaire belle et généreuse. Un désir d’individuation et d’autonomie chez chacun qui, on le voit bien se construit et se conforte en appui sur la réciprocité de la confiance de tous pour tous au sein du groupe.

Je voulais vous faire partager un de ces moments qui font la beauté, le bonheur et la fierté de faire partie des CIVAM. Merci à Cyril, François, Lucie, Vincent, Damien, Emmanuel, Carole, Jean-Christophe, Colin, Michel, Benoît, les deux élèves du lycée (dont je n’ai pas entendu les prénoms, excusez-moi) et Jean-Michel. Merci à vous tous pour ce que vous m’avez offert.                                                                  Jacky Letrouit

Echanger pour évoluer … dans le bocage virois

A l’initiative de deux agriculteurs du Bocage virois, la FRCIVAM de Basse-Normandie organise, mardi 25 mars à 20h30 au Bény-Bocage, une soirée d’informations et d’échanges à destination des agriculteurs du Bocage (voir le flyer d’invitation).image flyer réunion Bény
L’objectif de ce temps d’échanges, au cours duquel deux agriculteurs de La Manche témoigneront sur leurs expériences d’évolution de système permise grâce à leur participation à une démarche de groupe : donner l’envie à des agriculteurs, en questionnement sur leur système actuel d’exploitation, de participer à une démarche collective sur leur territoire pour les accompagner dans leur réflexion quant aux évolutions possibles vers des systèmes plus économes et autonomes, à base d’herbe.

L’accompagnement, vecteur d’innovation !

L’accompagnement est une notion très large qui recouvre des champs différents : de l’accompagnement de la personne à celui d’un groupe en passant par les structures collectives, il revête différentes dimensions.

Dans le cadre du projet « Innover dans l’accompagnement des projets agricoles et ruraux », porté par les ONVAR (Organismes Nationaux à Vocation Agricole et Rurale), plusieurs expériences d’accompagnement ont été analysées afin de comprendre la typologie des groupes, leurs modalités de constitution, le rôle de l’accompagnateur qui aide à fixer des objectifs communs et à créer un équilibre entre les personnes, les points de ruptures qui initient le changement et les facteurs d’innovation.

Accompagnement CIVAM de la Rouvre

L’expérience du CIVAM de la Rouvre a été analysée dans ce cadre et fait l’objet d’une fiche synthétique (ci-contre) et d’un film.

 A la différence du conseiller-expert qui transfère ses connaissances au porteur de projet, la posture de l’accompagnateur repose sur une logique ascendante. L’accompagnateur aide la personne ou le collectif à faire émerger ses idées, identifier ses connaissances et construire son propre projet. Il se place en « traducteur » entre les besoins, attentes, objectifs et en « créateur de lien » entre les membres d’un groupe, ou entre le collectif et ses partenaires.

On parle d’art de l’accompagnement car l’accompagnement n’est pas une science exacte : la dimension humaine est essentielle. Si l’accompagnateur peut s’appuyer sur des outils d’animation, il doit également se donner du temps, ne pas apporter sa solution, animer l’échange entre les agriculteurs pour les aider à construire leurs propres solutions.

film CIVAM de la Rouvre

Dans le bocage ornais, ensemble on va plus loin

Les CIVAM proposent aux agriculteurs du Bocage ornais à venir échanger le 18 février prochain à Dompierre sur leurs systèmes de productions, leurs questions, leurs envies, leurs besoins pour engager un changement de pratique … Cet échange s’appuiera sur le témoignage de 2 agriculteurs mayennais ayant modifié leur système pour gagner en autonomie, améliorer leurs résultats économique … en développant des systèmes basés sur l’herbe pâturée.

Les membres du CIVAM ARADEC, agricultrices et agriculteurs du bocage ornais, pourront compléter ces témoignages : ils s’appuient également sur les prairies pour améliorer leur sobriété énergétique, réduire l’usage d’intrants et l’impact sur l’environnement. Ces évolutions ont été permises par les échanges en groupe, la participation à des formations, le questionnement et la recherche de solution à plusieurs, …

ensemble on va plus loin

Elan’s : découvrir les métiers de l’agriculture et de l’agro-alimentaire

La FRCIVAM intervient auprès du CFPPA de Vire (Centre de Formation Professionnelle et de Promotion de l’Agriculture) dans le cadre du dispositif ELAN’s (Espaces Locaux d’Activités NovatriceS). Ce dispositif, mis en place par la Région Basse-Normandie, permet à des adultes et des  jeunes d’accéder à une formation de 4 mois les aidant à se re-dynamiser, à reprendre un rythme de vie et de travail, à découvrir des métiers par des visites d’entreprises, et à travailler sur leur projet professionnel.

Ce groupe aborde plus particulièrement les métiers agricoles et de l’agroalimentaire. Ils ont ainsi pu, par exemple, visiter la Biscuiterie de Lonlay l’Abbaye ou la Normandise, rencontrer un ostréiculteur, un maraîcher.

visite ferme de la sitelle Mardi 26 novembre, l’entreprise visitée était l’Entreprise de Travaux Agricoles Lair à Tinchebray. Cette entreprise familiale de 8 salariés est prestataire de services agricoles et de services auprès de la Communauté de Commune (entretien des bas-côtés des routes et déneigement des routes l’hiver). Par ailleurs, ils élèvent 15 à 180 taurillons. Les bénéficiaires du dispositif ELAN’s ont pu apprécier l’importance du travail mécanique dans l’ETA (entretien du matériel), et l’importance de la passion du gérant et de ses salariés pour leur métier.Parmi les prochaines visites prévues : la fabrication de l’Andouille, un pépiniériste-paysagiste…

Les visites et travaux du groupe seront valorisés dans le cadre du « mois de l’agriculture » par l’organisation d’un forum où sera notamment présenté le jeu construit par les stagiaires.

Pour en savoir plus, consulter leur blog.

Assises de l’installation : entre volontarisme et résistances

Le Ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt a lancé des « Assises de l’installation », fin 2012, afin de revoir les dispositifs d’aides et d’accompagnement des porteurs de projet. Ces assises se sont déclinées en région, organisés en duo par le Conseil Régional et la DRAAF par un colloque de lancement, une phase de contributions écrites et se sont clôturées par des ateliers « de concertation », les 16 et 17 mai derniers.

La FRCIVAM, en concertation avec bulleles autres membres d’Inpact Basse Normandie, a donc exprimé le souhait d’être associée aux réflexions : les enjeux de renouvellement des générations pour le maintien d’une agriculture performante et durable, créatrice d’emplois et de valeur ajoutée ancrée dans les territoires nous semblent majeurs.

Plusieurs Civamistes ont donc participé à 3 des 5 ateliers de clôture (foncier, accompagnement des porteurs et public cible). Il en ressort une forte déception : le maître mot étant « simplification » pour que les contraintes administratives ne soient pas un frein à l’installation, certaines questions sont éludées (installation avec les parents puis cumul lors de la cessation sans création de nouveaux emplois, l’augmentation du prix du foncier et le surinvestissement du fait des aides, le statut lors d’installation progressive, …) et la faible représentation d’Inpact rendait difficile la défense d’une autre conception de l’agriculture et de l’installation.

Le Conseil Régional affiche une ambition d’une installation pour un départ. Il faudra également s’entendre sur le type d’agriculture que l’on souhaite voir se développer sur notre territoire. En attendant, nous avons fait remonter nos propositions à la FNCIVAM … pour un relais national …et l’élaboration d’une contribution commune portée par INPACT.

Une évolution réussie

« Après avoir suivi des études agricoles, Hubert a reproduit durant 20 ans le modèle intensif sur son exploitation… Crise de la vache folle, incidents climatiques et des problèmes sanitaires sur le troupeau auront suffi pour remettre en question les choix de système de cet éleveur…. L’entrée dans le 3ème millénaire aura été, pour Hubert, un tournant réussi dans l’évolution de son système vers l’Agriculture Durable grâce à la rencontre d’agriculteurs des CIVAM, engagés dans cette agriculture alternative »

Retrouvez le témoignage d’Hubert Coupard en cliquant ci-dessous :

témoignage d'Hubert Coupard concernant son changement de système

Le suicide : ne pas rester indifférents !

Témoignage de Sylvie Ouvry, agricultrice dans le bocage ornais, suite à la projection du film « les Fils de la terre ».

les fils de la terre

L’objectif de cette après midi était d’aborder le thème de l’isolement en milieu rural et en agriculture…histoire de faire fonctionner le volet « social » du trépied « durable » !

Plantons le décor : L’auteur, journaliste, a perdu son père, agriculteur, d’un suicide. Il aborde donc ce thème du suicide en agriculture faisant un parallèle entre son vécu et celui d’un jeune installé dans le lot. En tant qu’agriculteurs nous sommes souvent démunis fasse à ce que peuvent vivre nos proches, nos voisins. Ce film met en lumière le décalage de génération, la difficulté pour un jeune à s’imposer, à dépasser le poids de la filiation. Il n’est pas rare que les parents n’arrivent pas à quitter pour laisser la place, peut-être par peur du « vide », d’un « vivre autrement » à construire.

Dans les Fils de la terre, l’auteur souligne l’engrenage de la production à tout prix, du temps à passer à travailler en oubliant pourquoi l’on vit. L’amour de la terre et du métier doivent-ils se vivre à l’encontre des liens sociaux, de la vie de famille, des temps de loisirs ? Aimer son métier de paysan, est-ce que ça implique de n’avoir les yeux rivés que sur l’agriculture, le travail … en oubliant qu’un monde entier existe et permet d’exister ? Doit-on produire de plus en plus pour avoir l’impression de mieux réussir ?

D’après Madame PIETTE, responsable de la cellule personnes en difficulté à la MSA, et Jean Luc Fouyer, de l’association Solidarité Paysans, les suicides en agriculture sont la résultante de dépression, la dépression étant une maladie à part entière. Divers facteurs peuvent être les déclencheurs : le surcroît de travail, des situations financières tendues,  la peur du regard des autres, la maladie…

Il est difficile dans notre catégorie socio-professionnelle de faire la part des choses entre la maladie qui touche beaucoup d’autres professions et l’isolement, les difficultés financières, la pression, les heures de travail, … Il reste cependant certain qu’il y a en France entre 500 et 800 suicides par an en agriculture ! Pourtant, ce sujet est souvent tabou, fait peur, et surtout nous laisse impuissants, mal à l’aise. Nous aurions souhaité approfondir comment ne pas rester « indifférents »…il semble que ce soit bien compliqué. Mais il est toujours possible de faire des signalements auprès de nos élus MSA, de Solidarité Paysan, qui se chargeront de contacter la personne, qui sera prise en charge … si elle le souhaite. Un conseil, allez voir ce film et surtout parlez-en avec vos voisins, ce sera déjà un premier pas !

Réinterroger les fondamentaux

L’assemblée générale de la FRCIVAM a eu lieu le 16 avril dernier à Vire et avait pour ambition de retravailler avec l’ensemble des adhérents le sens des actions conduites par les CIVAM bas normands.

photo AG FRCIVAM 2013 à Vire

Par mi les points forts, on peut noter :

  •  Notre mouvement vient de la base, donc il est plus difficile à identifier, catégoriser, encadrer … mais ce qui est important, c’est ce que nous produisons en terme d’alternatives, de nouvelles pistes, …
  •  C’est le collectif qui nous fait avancer !
  •  Nous n’avons pas toujours conscience de l’aspect « laboratoire » de nos fermes, du fait que nous expérimentons toujours…
  •  Les civamistes ne sont pas investis dans la recherche de cohérence dans leur métier seulement mais dans leur vie entière
  •  Votre singularité et votre force réside dans le fait que vous ne considérez jamais votre système comme étant abouti, vous êtes en perpétuelle recherche, toujours en questionnement, …
  •  Nous ne recherchons pas l’excellence mais la cohérence, la mise en adéquation de nos idées et de nos pratiques

Pour connaître plus en détail les actions conduites en 2012 ou les axes de travail pour l’année à venir, cliquez ici : rapport d’activité 2012, orientations 2013.